24 heures de rêve et d’éveil-resume
Samad Behringui
40 Pages + 4 pages de couverture Format : Couverture 14,8x21cm TIF résolution 300dpi |
Chers lecteurs,
Je n'ai pas rédigé le récit de “24 heures de rêve et d’éveil” pour l’exemple. Mon intention est plutôt que tu connaisses mieux les enfants de ton pays afin que tu réfléchisses à résoudre leurs souffrances ?
Samad Behraingui – Eté 1967
Si, je voulais écrire tout ce qui m'est arrivé à Téhéran, cela constituerait plusieurs livres et ce serait peut-être ennuyeux pour tout le monde.
Or, je ne raconterai que les dernières vingt-quatre heures, qui ne devraient pas être si pénibles.
Bien sûr, je dois aussi vous dire pourquoi mon père et moi sommes venus à Téhéran.
Mon père était sans travail depuis plusieurs mois.
Un jour, il s’est résolu à laisser ma mère, ma sœur et mes frères dans notre ville, a saisi ma main et nous sommes venus à Téhéran.
Plusieurs de nos connaissances et voisins y étaient auparavant venus et avaient pu trouver du travail.
Dans cet espoir, nous y sommes allés.
Quelqu’un que nous connaissions avait un stand de briques de glace. Un autre se procurait et revendait des vêtements usagés. Un troisième était vendeur d'oranges.
Mon père a lui aussi réussi à se procurer une charrette à bras et il est devenu marchand ambulant.
Il vendait des oignons, des pommes de terre, des concombres et d'autres légumes, gagnant assez pour nous nourrir et expédier quelque chose à ma mère.
Parfois, j'accompagnais mon père dans ses tournées, et quelques fois, je traînais seul dans les rues, ne retournant chez mon père que le soir.
Par moments, je vendais pour un sou une boite de chewing-gum, des divinations de Hafez et d'autres broutilles du genre.
Passons à présent à l'essentiel !
Ce soir-là, nous étions, Ghâssème, le fils de Zivar - vendeuse de billets de loterie -, Ahmad Hosseïn, et moi.
Une heure, plus tôt, devant la banque, deux autres garçons avaient fraternisé avec nous.
Nous étions assis tous les quatre sur les marches devant la banque pour nous mettre d’accord du lieu où nous allions lancer les dés, lorsque les deux nouveaux sont arrivés s'asseoir à côté de nous.
Ils étaient plus âgés.
L'un était borgne.
L'autre portait de nouvelles chaussures noires, mais un genou crasseux sortait d'un trou de son pantalon. Ils étaient encore plus mal lotis que nous.
Tous les quatre, nous avons commencé à promener des regards furtifs aux chaussures. Par la suite, nous nous sommes regardés et nos regards signifiaient : « Ho les gars, faites attention ! Nous avons à faire à un voleur de chaussures ».
Le garçon a remarqué nos regards et a dit : « Qu'est-ce qu'il y a ? N’avez-vous jamais vu de chaussures ? »
« Laisse-les tranquilles, Mahmoud,» a dit son ami borgne. « Tu ne vois pas leurs nombrils et leurs fesses à l’air ? Ces misérables n’ont jamais vu de chaussures. »
« Tu as raison, c'était une question absurde, » a acquiescé Mahmoud. « J'observe leurs pieds nus et je leur demande s'ils n'ont jamais porté de chaussures ! »
Le borgne a dit: « Tout le monde n'a pas un papa aisé comme le tien qui dépense de l'argent sans compter pour acheter de nouvelles chaussures à son enfant. »
Tous deux ont éclaté de rire. Nous quatre étions entièrement désarmés. Ahmad Hosseïn a observé le fils de Zivar. Puis, ils ont regardé Ghâssème. Par la suite, tous les trois m’ont fixé : « Que faire ? Engager la bagarre ou les laisser nous charrier. »
« Espèce de voleur ! » Ai-je défié Mahmoud à voix haute, « Tu as dérobé les chaussures ! »
Ils ont éclaté de rire tous les deux. Le borgne frôlait les côtes de son copain avec son coude et disait : « Je ne l'avais pas dit , Ne l’avais-je pas dit Mahmoud ?… Ha haha ! … Je ne l'avais pas dit ? … Hehheh … Heh … Heh!… »
Des voitures de toutes les couleurs étaient stationnées le long de l’avenue, si serrées qu'il semblait y avoir un mur d'acier tendu devant nous.
Une voiture rouge juste devant moi a démarré, ouvrant un espace pour que je puisse me permettant de voir l’avenue.
Toutes sortes de véhicules - taxis, bagnoles, bus - remplissaient la rue et se déplaçaient lentement pare-chocs contre pare-chocs, faisant beaucoup de bruit.
Ils semblaient se bousculer et se criaient dessus. À mon avis, Téhéran demeure l’endroit le plus fréquenté du monde et cette avenue la plus encombrée de Téhéran.
Le borgne et son ami étaient sur le point de s'évanouir de rire. J’espérais que l’on se bagarre. J'avais appris un nouveau juron et je voulais l'essayer, même pour à la moindre excuse.
J'aurais aimé que Mahmoud me gifle. Ainsi, je pourrais me mettre en colère et lui dire : « Tu me frappes ? Je te tranche les roustons avec un couteau ! Oui, moi ! ».
Dans cet état d’esprit Furieux, j’ai attrapé Mahmoud par le col et j’ai crié : « Si tu n’es pas un voleur, alors qui t’a acheté ces chaussures ? »
Cette fois, ils ont arrêté de rire. Mahmoud s’est dégagé brusquement et a dit : « Assieds-toi. Est-ce que tu comprends ce que tu dis ? »
Le borgne nous a séparé en disant : « Laisse-le partir, Mahmoud. Tu ne vas pas commencer à te bagarrer à cette heure du soir. Profitons du plaisir pendant que ça dure. »
Nous quatre, nous voulions nous battre, mais Mahmoud et le borgne voulaient juste plaisanter et rire.
« Ecoute, Frère », m’a dit Mahmoud, « nous ne voulons pas nous battre ce soir. Si vous voulez la bagarre, attendez jusqu'à demain soir. »
Le borgne a dit : « Ce soir, nous voulons juste parler et rire un peu. D'accord ? »
« Très bien », dis-je.
Une voiture s'est arrêtée en face et est garée dans l’espace qui était resté libre.
Un homme, une femme, un petit garçon et un caniche blanc sont sortis de la berline.
Le petit garçon avait exactement la même taille qu'Ahmad Hosseïn et arborait un short, des chaussettes blanches et des sandales bicolores.
Ses cheveux étaient peignés et huilés. Dans une main, il tenait une paire de lunettes de soleil à monture blanche et son autre main était dans celle de son père.
La femme, aux bras et aux jambes dénudés et portant des chaussures à talons hauts, tenait la laisse du chiot. En passant près de nous, nous avons flairé un parfum agréable.
Ghâssème s'empara d'un objet qui était sous ses pieds et le lança violemment à l'arrière de la tête du petit garçon.
Le petit garçon s’est retourné, nous a toisé et a dit : “Clochards!”
« Va te faire voir, fils à papa ! » Cria Ahmad Hosseïn en rage.
J'ai saisi l'opportunité et j’ai crié : « j’arrive te couper les burnes avec un couteau »
Mes copains ont tous éclatés de rire.
Le père a tiré la main du petit garçon et ils sont entrés dans un hôtel quelques mètres plus hauts dans la rue.
De nouveau, tous les yeux se sont à nouveau fixés sur les nouvelles chaussures de Mahmoud.
« Les chaussures ne sont pas vraiment si importantes pour moi », a ajouté Mahmoud a ajouté amicalement. « Si tu veux, tu peux les avoir. »
Puis, il s'est tourné vers Ahmad Hosseïn et lui a dit : « Viens ici, petit. Allez, enlève-moi ces chaussures et chausse-toi. »
Ahmad Hosseïn a jeté un regard suspect aux pieds de Mahmoud, et, n'a pas bougé.
« Qu’attends-tu ? » a demandé Mahmoud. « Tu ne veux pas les chaussures ? Eh bien, viens les chercher. »
Cette fois-ci, Ahmad Hosseïn s’est levé, est allé vers Mahmoud et s’est penché pour enlever les chaussures.
Nous regardions tous les trois, sans murmurer un mot.
Ahmad Hosseïn a saisi fermement le pied de Mahmoud et l'a tiré, mais ses mains ont glissé et il est retombé sur le dos sur le trottoir.
Mahmoud et le borgne ont éclaté d'un tel rire que j'étais sûr qu’ils auraient mal à l’estomac.
Les mains d'Ahmad Hosseïn étaient noires.
Le borgne n'arrêtait pas de tapoter les côtes de Mahmoud et lui disait : « Ne l'avais-je pas dit, Mahmoud ! Ha, ha… Ha ! Ne l'avais-je pas dit ? … Heh, heh, heh … ! »
On pouvait apercevoir les traces qu’avaient laissées où les doigts d'Ahmad Hosseïn quand ils avaient glissés sur le pied de Mahmoud.
Nous trois avons finalement réalisés tous les trois que nous avions été trompés.
Le rire de ces deux farceurs était contagieux ; nous avons éclaté de rire aussi.
Vexé, Ahmad Hosseïn s'est levé du trottoir, nous a regardé quelques instants, puis il s'est mis à rire aussi.
Nous avons ri comme jamais !
Les passants nous regardaient, puis poursuivaient leur chemin.
Je me suis penché et j'ai examiné soigneusement le pied de Mahmoud - il n'y avait pas de chaussure !
Mahmoud avait tout simplement ciré ses pieds pour donner l'impression qu'il portait de nouvelles chaussures noires. Quel farceur, c'était un leurre !
« Jouons aux dés », suggéra Mahmoud.
24 heures de rêve et d'éveil m'intéresse